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Carrières de granulats

Traçabilité des déchets en carrière : cap sur 90 % recyclés

Écrit par
Zineb CLAUDEL
Publié le
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La traçabilité des déchets inertes devient clé pour atteindre 90 % de recyclage d’ici 2028. Focus sur les obligations et outils à adopter.

Parce qu’elle constitue un enjeu majeur pour réduire la production de déchets du BTP, la traçabilité des déchets s’est imposée depuis une dizaine d’années au centre de toutes les attentions. Du côté des carrières, deux types de résidus sont particulièrement visés : les déchets inertes et les terres excavées. En pratique, mieux tracer et gérer ces matériaux permet de limiter le stockage inutile et de diminuer considérablement le volume global de déchets sur site. Mais pour qu’une traçabilité efficace débouche sur une valorisation des déchets optimale, encore faut-il bien comprendre ce que l’on entend aujourd’hui par « déchet inerte ».

Car disons-le, ce type de déchet est bien particulier ! Le Code de l’environnement définit comme déchet inerte tout matériau qui, une fois mis en décharge, ne subit aucune transformation physique, chimique ou biologique notable. En d’autres termes, il ne se décompose pas, ne brûle pas, n’émet aucune réaction susceptible de polluer et ne présente aucun risque pour l’environnement ou la santé humaine. La majorité de ces déchets inertes sont des matériaux minéraux issus du BTP, notamment de la construction et de la démolition (pierre, terre, béton, parpaings, briques, verre, tuiles…). Une part non négligeable provient également de l’industrie extractive elle-même, c’est-à-dire de l’exploitation des carrières où vous œuvrez au quotidien.

Mais concrètement, pourquoi la traçabilité des déchets inertes est-elle devenue si importante ? Même s’ils ne sont pas classés dangereux, les déchets inertes représentent près de 70 % des déchets du secteur du bâtiment, soit environ 28 millions de tonnes chaque année. Principal problème : ils sont non biodégradables. Compte tenu de ces quantités colossales, ces déchets peuvent engendrer une dégradation des paysages (occupation des sols, pollution visuelle, etc.) s’ils sont mal gérés. Au fil du temps, assurer la traçabilité de ces déchets est donc devenu une nécessité absolue pour éviter les dépôts sauvages et garantir un taux de valorisation maximal des matériaux récupérés. Rappelons-le dans la foulée : les déchets inertes constituent en réalité une véritable mine d’or de matières premières secondaires. Le mot « déchet » est bien loin de refléter tout le potentiel de réutilisation ou de recyclage de ces gravats et terres. Sans oublier la rentabilité que vous pouvez en retirer en permettant leur réemploi sur d’autres chantiers ou applications.

Attention toutefois : que vous souhaitiez vous débarrasser de ces déchets inertes ou au contraire les réutiliser, il vous faut impérativement commencer par organiser leur traçabilité. C’est le sésame indispensable pour tirer le moindre bénéfice – environnemental ou économique – de vos déchets de carrière.

Le saviez-vous ? L’objectif de recyclage 2020 a été dépassé

Consciente de la valeur que représente le gisement des déchets inertes, l’Union européenne avait fixé, via la directive-cadre 2008/98/CE, un objectif de 70 % de recyclage des déchets de chantier d’ici 2020. Bonne nouvelle, cet objectif a été largement atteint en France : 76 % des déchets inertes du BTP ont été recyclés en 2020. Fort de cette réussite collective, l’UNICEM (Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction) et les pouvoirs publics ont revu leurs ambitions à la hausse. Le nouvel objectif annoncé est d’atteindre 90 % de matériaux recyclés d’ici 2028. Pour y parvenir, il va falloir accélérer sur la traçabilité et la gestion optimisée de nos déchets inertes – c’est précisément ce que nous allons explorer ci-dessous.

Traçabilité des déchets : une priorité de la réglementation du BTP

En février 2020, la France a inscrit la traçabilité des déchets, terres excavées et sédiments au cœur de la loi. Il s’agit de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, plus connue sous le nom de loi AGEC. Son objectif ? Lutter contre le gaspillage et promouvoir l’économie circulaire, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Pour ce faire, cette loi mise beaucoup sur une meilleure traçabilité des déchets tout au long de la filière.

Dans la foulée, le décret n° 2021-321 du 25 mars 2021 est venu renforcer les obligations des professionnels en matière de suivi des déchets. Dorénavant, qui dit traçabilité des déchets dit dématérialisation des bordereaux de suivi des déchets, élargissement du périmètre des acteurs devant tenir des registres internes, et obligation de transmettre ces données à un registre national. L’objectif affiché : combler le manque de données, simplifier les démarches administratives et, in fine, mieux prévenir les dérives comme les dépôts illégaux.

Un registre chronologique pour les déchets inertes, terres excavées et sédiments

Première évolution majeure apportée par le décret de 2021 : de nouveaux acteurs sont tenus de renseigner un registre chronologique de leurs déchets. Jusqu’alors, seuls les exploitants d’installations classées ou de traitement de déchets devaient tenir ce registre. Désormais, tous les producteurs, expéditeurs, transporteurs, négociants ou courtiers de terres excavées et sédiments – même si ces derniers ne sont pas considérés comme des déchets – ainsi que ceux qui valorisent ces matériaux, doivent consigner toutes les entrées et sorties de déchets inertes et de terres sur un registre. Cela inclut évidemment les exploitants de carrières lorsqu’ils produisent ou gèrent de tels matériaux.

Cette obligation de registre s’accompagne d’un virage numérique important. Depuis le 1er janvier 2022, le contenu de votre registre déchets doit être transmis au registre national dématérialisé mis en place par l’État. Connu sous l’acronyme RNTDS (Registre National des Déchets, Terres excavées et Sédiments), ce téléservice centralise les informations de traçabilité. En pratique, dès qu’un fait générateur se produit – par exemple l’expédition d’un chargement de terre vers une installation de recyclage – vous disposez de 7 jours pour déclarer l’opération sur la plateforme RNTDS (pour des déchets classiques). S’il s’agit de terres excavées ou de sédiments, le délai accordé va jusqu’au dernier jour du mois suivant l’événement. Ce registre numérique national vise à dresser un état des lieux précis des flux de matériaux, à faciliter leur réutilisation/valorisation plutôt que l’enfouissement, et à garantir plus de transparence environnementale rndts-diffusion.developpement-durable.gouv.fr.

Traçabilité des déchets et déclaration au registre national : voici ce qu’il vous faut retenir ! Crédits : MTE

Des bordereaux de suivi dématérialisés via Trackdéchets

Seconde avancée réglementaire : la généralisation du bordereau de suivi des déchets (BSD) dématérialisé. Le bordereau de suivi est le document qui accompagne tout transport de déchet pour en assurer le contrôle et la traçabilité. Depuis le 1er janvier 2022, la plupart des BSD doivent être remplis en ligne via l’application officielle Trackdéchets. Cette plateforme numérique, développée par le ministère de la Transition écologique, permet de générer, signer et suivre électroniquement chaque mouvement de déchet dangereux ou spécifique. Le décret du 25 mars 2021 a rendu cette dématérialisation obligatoire pour les professionnels concernés, qu’il s’agisse des déchets dangereux classiques ou des déblais de chantier comme les terres excavées.

Bon à savoir : En 2022, certains déchets particuliers bénéficiaient encore d’une tolérance de traçabilité sur papier. Par exemple, les fluides frigorigènes et les déchets de soins à risque infectieux (DASRI) n’ont rejoint le dispositif numérique Trackdéchets qu’au 1er janvier 2023. Mais pour l’essentiel des déchets du BTP, la traçabilité 100 % numérique est désormais la norme. Cette modernisation facilite grandement vos démarches et réduit le risque d’erreur ou de perte d’informations par rapport aux anciens formulaires papier.

Dernière évolution : Depuis le 5 mai 2025, Trackdéchets intègre désormais directement le registre national RNTDS, centralisant ainsi l’ensemble des déclarations réglementaires sur une seule plateforme. Résultat ? Une gestion simplifiée, une traçabilité plus fluide et un respect des obligations facilité pour tous les professionnels du secteur.

Traçabilité des déchets et bordereau dématérialisé : voici ce qu’il vous faut retenir ! Crédits : MTE

REP du Bâtiment : le rôle d’Ecominéro dans la valorisation des déchets inertes

Au-delà du suivi réglementaire quotidien, le secteur des carrières est aussi impacté par un changement de paradigme plus global : l’extension de la Responsabilité Élargie du Producteur (REP) au domaine du bâtiment. En effet, la loi AGEC précitée a introduit une nouvelle filière REP pour les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment, en vigueur depuis le 1er janvier 2022. Concrètement, cela signifie que les fabricants et metteurs sur le marché de matériaux de construction (dont les granulats, ciments, briques, tuiles, etc.) ont désormais l’obligation d’organiser et de financer la collecte et le traitement des déchets issus de ces produits en fin de vie. Autrement dit, la filière du BTP s’est dotée d’éco-organismes chargés de reprendre et valoriser les déchets de chantier, afin de soulager les collectivités et les acteurs de terrain de cette gestion tout en l’améliorant.

Parmi ces nouveaux éco-organismes, un nom ressort tout particulièrement pour les matériaux d’origine minérale : Ecominéro. Créé par et pour les industriels du secteur minéral, Ecominéro a vocation à prendre en charge les déchets inertes issus des produits de construction majoritairement composés de minéraux (pierre, terre, béton, etc.). Son objectif est clair : vous simplifier la vie et vous aider à remplir vos nouvelles obligations en matière de déchets, à commencer bien sûr par la traçabilité des déchets.

À ce jour, Ecominéro est en cours d’agrément par les pouvoirs publics, mais il est déjà possible de pré-adhérer à cette structure collective. Pourquoi s’engager dès maintenant ? Tout simplement pour afficher votre soutien à une économie circulaire dédiée à la filière minérale et montrer qu’un éco-organisme spécialisé est crucial pour accompagner les carrières et matériaux minéraux dans la transition. En rejoignant Ecominéro, vous dites oui à la traçabilité des déchets rigoureuse et à une recyclabilité maximale des matériaux. Vous vous engagez à respecter un cahier des charges exigeant pour la collecte et le traitement de vos déchets inertes, tout en bénéficiant de solutions conçues sur mesure pour répondre à ces exigences. Une fois Ecominéro pleinement opérationnel, ses adhérents profiteront notamment :

  • D’un maillage territorial de points de reprise : un réseau de déchèteries et plateformes où déposer les déchets inertes près de vos sites d’exploitation, afin d’en faciliter la collecte.
  • D’une traçabilité complète des déchets : un suivi transparent depuis la sortie de votre carrière jusqu’à la réutilisation des matériaux dans leur seconde vie.
  • D’un appui réglementaire et pédagogique : des informations régulières sur vos nouvelles obligations (déclarations trimestrielles, annuelles, etc.) et des actions de sensibilisation aux bonnes pratiques de tri sur vos sites.

En somme, cet éco-organisme sectoriel vous aidera à transformer une contrainte réglementaire en opportunité, en organisant la reprise de vos déchets et en boostant le recyclage au sein de la filière.

Valorisation des déchets inertes : des solutions concrètes en carrière

Se conformer à la réglementation ne veut pas dire subir sans agir. Au contraire, c’est l’occasion d’optimiser vos pratiques et de donner une seconde vie à vos matériaux. Voici quelques pistes concrètes pour valoriser vos déchets inertes de carrière tout en respectant vos obligations :

  1. Collaborer localement – Mettez en place des partenariats avec des filières de recyclage locales. Par exemple, approchez les entreprises de travaux publics, cimenteries ou fabricants de matériaux recyclés de votre région pour écouler vos déblais et vos granulats recyclés. Ces collaborations renforcent l’économie circulaire territoriale et peuvent réduire vos coûts de transport et d’élimination.
  2. Optimiser la production – Adaptez vos volumes d’extraction de granulats aux besoins réels de vos clients. En évitant de sur-produire des matériaux qui risqueraient de devenir des déchets faute de débouchés, vous limitez les excédents à gérer. Mieux anticiper la demande, c’est réduire à la source la quantité de déchets inertes générés.
  3. Recycler sur site – Initiez le recyclage au sein même de votre carrière. De nombreuses exploitations utilisent déjà leurs déchets inertes pour le remblaiement partiel ou total des zones d’extraction épuisées. Vous pouvez aussi vous en servir pour réaliser des modèles paysagers ou des merlons de protection. Ces pratiques de valorisation des déchets sur site présentent un double avantage : elles évitent l’envoi en décharge et contribuent à l’aménagement ou à la remise en état de la carrière.
  4. Former et sensibiliser vos équipes – Impliquez l’ensemble du personnel dans la gestion vertueuse des déchets. Un tri minutieux des matériaux dès leur production ou leur collecte est indispensable pour une traçabilité sans faille et un recyclage de qualité. Organisez des sessions de formation aux nouvelles procédures (tenue du registre RNTDS, utilisation de Trackdéchets, modalités de stockage des déchets triés…) et communiquez régulièrement sur l’importance de ces gestes. Des équipes bien formées sont la clé d’une traçabilité des déchets sans bavure et d’un recyclage dans les règles de l’art.

Vous l’aurez compris, la traçabilité des déchets n’est que la première étape de vos obligations en matière de gestion des déchets inertes et terres excavées en carrière. Grâce à elle, l’ensemble de la filière vise ce fameux objectif des 90 % de déchets inertes recyclés d’ici 2028, un défi ambitieux bénéfique pour l’environnement, pour vos finances et pour l’image de la profession. En 2025, la traçabilité des déchets a pris un nouveau virage – celui de la dématérialisation et de la collaboration – et la suite ne dépend plus que de vous !