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Stéphane Le Diraison : quand l’ingénierie rencontre l’océan

Écrit par
Zineb CLAUDEL
Publié le
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Découvrez le parcours de Stéphane Le Diraison, skipper ingénieur IMOCA engagé avec Time for Oceans, entre innovation maritime, performance et Vendée Globe.

Il existe des trajectoires qui ne ressemblent à aucune autre. Certaines prennent racine très tôt, dans une fascination pour la mer, le vent, les récits de navigateurs. D’autres naissent dans les salles blanches d’un bureau d’étude, devant des plans qui cherchent à repousser les limites du possible. Et puis il y a celles, plus rares, qui réunissent les deux. Celle de Stéphane Le Diraison appartient à cette catégorie : un mélange d’ingénierie pointue, de passion maritime et d’un engagement profond pour la planète.

Dans ce nouvel épisode des Bâtisseurs, nous recevons un invité hors norme : skipper IMOCA, ingénieur, aventurier du Vendée Globe et défenseur d’un océan plus propre. Son parcours impressionne par son intensité, mais aussi par la cohérence d’un fil conducteur qui relie chaque étape de sa vie : comprendre les systèmes, les optimiser, les respecter et contribuer à les préserver.

Le monde maritime ne se contente pas d’être un décor pour Stéphane. Il est un terrain d’expérimentation, un laboratoire de solutions pour l’avenir, un espace où l’innovation se confronte au réel, parfois violemment. C’est aussi un miroir de notre rapport à la planète et à ses ressources.

À travers son récit, une certitude se dessine : la mer ne pardonne pas les approximations, mais elle récompense ceux qui avancent avec humilité, précision et engagement.

Un ingénieur qui rêvait d’océan

Avant de devenir skipper professionnel, Stéphane Le Diraison est ingénieur. Il commence son parcours dans un environnement très éloigné des embruns salés, façonné par les exigences de rigueur, de modélisation et de performance. La démarche scientifique fait partie de son ADN. Il s’intéresse rapidement aux systèmes complexes, à la manière dont les forces s’équilibrent, aux architectures capables de résister aux contraintes extrêmes.

Cette formation lui donne un bagage unique. Contrairement à d’autres navigateurs, il ne se contente pas d’utiliser son bateau : il le comprend, le décortique, l’analyse. Derrière chaque pièce, chaque voile, chaque foil, il voit les mécanismes invisibles qui assurent la performance. Il s’attache à ce qui fait qu’un bateau tient, avance, accélère, résiste.

L’ingénieur nourrit le marin, et le marin enrichit l’ingénieur. Cette complémentarité deviendra sa signature dans l’univers du Vendée Globe.

Quand le bâtiment rencontre l’innovation maritime

Ce lien étonnant entre le bâtiment et l’architecture navale, Stéphane l’explique dans l’épisode avec une clarté admirable. Les deux mondes travaillent sur des structures gigantesques. Ils associent calcul, matériaux, résistance et durabilité. Ils conjuguent intuition et méthode scientifique. Et surtout, ils sont soumis à des contraintes considérables, qu’il s’agisse du vent, du poids, de la pression ou du temps.

Dans l’univers de l’IMOCA, l’innovation est omniprésente. Les bateaux sont des prototypes en mouvement, capables d’atteindre des vitesses vertigineuses sur une mer souvent imprévisible. Les ingénieurs doivent concilier optimisation et sécurité, performance et sobriété énergétique, réduction de poids et résistance accrue. Chaque décision technique peut devenir la clé d’un tour du monde réussi, ou l’origine d’une avarie qui mettra un terme à l’aventure.

C’est dans cet équilibre fragile que Stéphane excelle. Sa double casquette lui permet de comprendre les enjeux techniques avec une précision rare, de dialoguer d’égal à égal avec les architectes et les ingénieurs qui conçoivent les IMOCA, et d’adapter le bateau à sa manière de naviguer.

Il apporte aussi une perspective venue du bâtiment : l’importance de la robustesse, la connaissance fine des matériaux, l’attention portée à la durabilité. Deux univers qui se retrouvent là où l’innovation devient nécessaire.

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Time for Oceans : naviguer autrement

En 2018, Stéphane lance Time for Oceans, un projet qui va bien au-delà de la performance sportive. Ce programme s’inscrit dans une urgence : celle de sensibiliser, d’informer et d’agir en faveur de la protection des océans.

Time for Oceans poursuit une ambition claire : faire du sport de haut niveau un vecteur d’engagement environnemental. Dans un monde où les défis climatiques s’amplifient, l’océan n’est plus un terrain de jeu. C’est un patrimoine à préserver. La voile, qui repose sur les forces naturelles et l’intelligence du vent, représente un symbole fort d’équilibre entre performance et sobriété.

Le projet ne se contente pas de transmettre un message. Il intègre l’innovation au cœur même de sa démarche. Les matériaux, les procédés de construction, les ajustements techniques visent tous à réduire l’impact environnemental. Le bateau devient un outil pédagogique, une preuve que l’excellence est compatible avec la responsabilité.

Time for Oceans ne cherche pas à bouleverser les règles du sport : il propose un autre rapport au progrès. Une manière plus lucide d’envisager la technologie, où l’objectif n’est pas seulement d’aller plus vite, mais d’aller mieux.

Le Vendée Globe : une aventure humaine et technique

Le récit du Vendée Globe 2021 occupe une place centrale dans l’épisode. Cette course, souvent décrite comme la plus difficile au monde, impose au skipper une solitude totale pendant plusieurs mois, face à une mer qui ne tolère aucune faiblesse.

Naviguer seul autour du monde, sans assistance, sans escale, nécessite un mental exceptionnel. Mais pour Stéphane, c’est aussi un défi technique permanent. Chaque bruit suspect, chaque variation de vent, chaque choc sur la coque est un signal à interpréter. L’ingénieur reprend alors le contrôle : il écoute, analyse, ajuste.

Il évoque dans ce podcast les moments de doute, les réussites inattendues, la gestion des imprévus. Et surtout, cette sensation unique de se confronter à soi-même, au bateau et aux éléments. Le Vendée Globe n’est pas seulement une course. C’est une transformation intérieure.

L’aventure révèle aussi l’importance de la préparation technique. Un IMOCA n’est pas un simple voilier. C’est une machine sophistiquée, entièrement pensée pour résister à des forces colossales. Le skipper devient le garant d’un écosystème fragile mais incroyablement performant. La synergie entre innovation et performance prend ici tout son sens.

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La performance au service de la planète

Le discours de Stéphane n’est jamais centré uniquement sur lui-même. Il parle de la mer comme d’un partenaire. D’un espace qui mérite d’être protégé. De la nécessité de mieux comprendre l’impact humain, même dans une discipline qui semble, à première vue, décarbonée.

L’innovation ne doit pas se faire au détriment de la planète. Elle doit en être le moteur. À travers Time for Oceans, Stéphane propose une autre voie : montrer que la technologie peut réduire l’empreinte écologique plutôt que l’accentuer.

La construction des bateaux, les matériaux utilisés, la gestion des chantiers, la digitalisation des performances, chaque choix compte. Le monde du bâtiment le sait depuis longtemps. Le monde de la course au large l’intègre désormais pleinement.

Cette convergence ouvre des perspectives fascinantes : des bateaux plus légers, plus durables, plus performants. Des structures inspirées du vivant. Une façon de concevoir qui respecte davantage la nature tout en explorant les frontières de la performance sportive.

Une année qui se termine avec une leçon d’humilité et d’inspiration

Clôturer l’année avec un épisode consacré à Stéphane Le Diraison, c’est célébrer une vision exigeante, lucide et profondément humaine de l’innovation. Une vision où l’ingénieur et le skipper travaillent ensemble, où la technologie sert l’environnement, où la performance s’allie au sens.

Cet épisode des Bâtisseurs laisse une impression durable : celle qu’un autre futur est possible pour l’industrie maritime, pour la construction navale, pour les grandes aventures sportives et pour nos océans.

L’histoire de Stéphane Le Diraison nous rappelle que l’innovation la plus puissante n’est pas celle qui impressionne, mais celle qui transforme. Elle s’écrit parfois dans un bureau d’étude, parfois au milieu d’une tempête dans l’océan Indien. Et toujours avec la conviction profonde que le progrès doit servir la planète autant que l’ambition humaine

Ecoutez l’épisode complet des Bâtisseurs 👇

#21 - Stéphane Le Diraison - Skipper Time For Oceans : Naviguer vers un futur durable | Les Bâtisseurs